Psyarea









*** Soleil ***

L'univers si vaste qu'il puisse paraître, n'est qu'une nanoscopique gouttelette d'encre de chine flottante par mis ses consoeurs dans un infini flacon dénué de parois. Scintillantes à l'unisson, des myriades de paillettes dorées ensemencées par poignées d’étoiles organisées en galaxies, de galaxies en super amas, s'y échinent en vint à faire bouillir l'encre glacée, afin qu’un jour il puisse se distinguer des autres. C'est dans une froideur cosmique que brille Soleil, l'astre le plus majestueux de la région solaire. Elle même gouttelette dans la gouttelette.
Il naquit il y a de ça plusieurs milliards d'années, de la fusion de matière sidérale originelle en vue d'affirmer l'existence du système local au sein de la galaxie. En se fusionnant, ses fondateurs, les Solÿs, y scellèrent leurs plus grands pouvoirs se faisant pour les générations à venir l’unique source de lumière, de savoir et porteurs du flambeau de vie et de mort. Ils devinrent ainsi, Soleil, le sage doyen protecteur des enfants du système solaire qu'il berce de sa douce chaleur pour, il l'espère, une éternité.
Participant au vaste réseau stellaire du partage des connaissances, il n'hésite pas comme guide suprême vers l'illumination à enseigner d’un souffle brûlant à son proche voisinage. Malgré-lui, il consume quiconque s'en approchant de la plus simple caresse d'enseignement divine qu'il puisse offrir. Cédant alors parfois d'une petite saute d'humeur éruptive, à l'explosion de rage qui l’emplit. Ses protégés terrifiés et tremblant aux ondes de haine contre son impuissance, le vénèrent devant cette démonstration de force. Craignant les colères de l'astre divin qui d’après eux les jugera de leurs actes une fois rendu leur dernier soupir.
A moins qu'un jour il se trouve une compagne auprès des amas globulaires voisins pour partager sa chaude bonté, lançant par là même occasion un furieux tango planétaire de cette nouvelle alliance stellaire en étoile double, il restera seul à flamber les ténèbres. Le temps que ses biens aimés arrivent à maturité.
On raconte, qu'au plus profond de sa solitude il créa ces étranges créatures gravitant autour de lui, les planètes telluriques, afin de se distraire puis surtout d'assurer l'évolution et la protection des petits êtres de son royaume. De nombreuses légendes sur celles-ci circulent à travers le système solaire et nourrissent, suivant le narrateur qui les conte, les arguments de certains anciens à ne jamais adhérer à l'union fusionnelle des forces sidérales. Ces derniers, même sous son emprise gravitationnelle, ceignirent Soleil et ses sbires d'astéroïdes et se retranchèrent dans le lointain, bien au loin, aux franges de son influence dans le nuage d'Oort. Ce qui eu pour effet secondaire de donner cette particularité qu’a le système solaire: une grande diversité planétaire ; qu’on doit à une prise de bec entre vieux sages à coupe de choux.

*** Nuage d'Oort ***

Vu d'ici, le phare de sagesse des Solaires n'est qu’une ridicule pastille incandescente piquant le cosmos de ses lances effilées, juste à peine pour fendre l'éther. C’est dans cette lointaine banlieue que les Solÿs se sont réfugiés et maintiennent leur indépendance: un vaste et dense nuage de matière intersidérale qui enveloppe le système solaire sur une poignée d'années lumière. Cette banlieue obscure abrite tout et n’importe quoi, du plus influent objet local à l’aberration cosmique. Il y siège un froid pétrifiant au sein d’un sempiternel chao, moteur de l’anarchie absolue des anciens Solÿs rebelles et de leurs descendances. Ceux-ci vagabondent jouissant d’une liberté totale, quoique un peu retenus par l’imposante pesanteur de Soleil. Ces masses désorbitées se frôlent, se frictionnent, s’entrechoquent, explosent, crachent par jets des acides exotiques brûlants, s’échangeant aussi de la sorte leurs derniers rebus organiques. Des nuages de poussières se mêlent et s’entrecroisent à des torrents de gaz liquéfiés, voilant ici et là un bordel à l’échelle sidérale.
A une certaine distance, Oort prend des allures de paysage aux formes et couleurs poétiques mimant bonnement l’amour. Ce qui lui vaut d’hypnotisés les curieux par sa beauté, telle un chant de sirènes les attirant dans son cœur pour les déchiqueter ensuite.
Le sombre et infernal quotidien de Naé.
Naé est une jeune patatoïde de glace et de matière essentiellement chimérique. Elle erre depuis des millénaires de nébuleuse en nébuleuse, les unes de poussières aux reflets améthyste ou bien gélatineuses d’organismes unicellulaires, aux autres glaciales noires de vieilles roches grondantes saignant leurs progénitures d’un crie strident dans les divers liquides des grands fleuves.
Elle y vit, elle s’y nourrit. Elle attire sur son passage quelques miettes des suites d’une collision d’astéroïdes, absorbe les liqueurs de vieux fous en marges du nuage et empli d’une aspiration ces entrailles de gaz environnant qui nous seraient toxique. Grandissante ainsi en prenant de la masse là où il y en a, grâce à sa gravité croissante et son intelligence émanant du merveilleux mélange qui en elle bouillonne, se gélifie, vibre et au final pense. Elle refoule l’époque où elle et ses sœurs n’étaient que de jeunes particules élémentaires orphelines expédiées aux quatre coins d’Oort : un jour obscure.
C’est ce jour là même précisément que sa mère fit la rencontre, à son insu, de son père. Autant dire que les évènements se sont enchaînés avec une extrême rapidité, sans même de préliminaire ni jeu de séduction. La jeune femme, une douce et charmante astéroïde, quittait tout juste le nuage d’Oort en vu de demander asile dans un système planétaire voisin. Quand soudainement, se précipita sur son flanc droit une globuleuse masse obscure.
Refus de priorité, ou coup de foudre ? On ne le saura jamais, tout comme on ignore encore l’identité du père. La rencontre fut cataclysmique. Les deux corps à peine fusionnés dégagèrent tellement d’énergie qu’ils volèrent la vedette à Soleil. Dans une tempête d’ondes gravitationnelles, des crachas de magmas se mêlèrent aux éclaires, pulvérisant se qu’il restait des deux « amants » en un jet rougeoyant de particules, projetées et dispersées en partie hors d’Oort.
Naé, des rêves plein la tête, file à une vitesse fulgurante. Toute son enfance a été bercée par les histoires des mondes lointains, ce qui éveilla sa curiosité d’exploratrice ainsi que sa gourmandise d’aventure. Ses yeux pétillent, son esprit est ailleurs, ébloui du rayonnement des grandes personnalités qui l’entourent. Elle est au cœur d’une époustouflante salle de balle, encore plus vaste et belle que celles qu’on lui avait conté. Une douce et uniforme lumière blanche repousse les mûrs de la salle jusqu’à un horizon infini, elle est couplée d’une chaleureuse atmosphère émanant de Soleil. L’astre flamboyant détache gracieusement une volute dorée, venant confortablement enlacer Naé et l’emplir de réconfort. Elle est vêtue d’une affriolante robe argenté, flottante dans l’éther saupoudrée d’étoiles, qui enrage de jalousie les grandes déesses, effleurées par cette dernière valsée des bras de Soleil. Elle nage en plein bonheur.
Un roc répugnant la bouscule alors sans même s’excuser, la sortant violemment de son paradis intérieur. Un instant sous le choque puis exaspérée de cette chute brutale d’entre les deux mondes, elle se laisse envahir de haine, se déroute vivement, fonçant furieusement vers l’avorton qu’elle ne tardera pas à émietter ; un comportement inhabituel qui ne lui ressemble pourtant pas. C’en était trop.
Ecoeurée, déçue de s’être laissée emporter, encore plus mécontente de cet environnement hostile où elle doit faire sa vie, Naé prend ses distances et va, morose, apaiser son cœur à la chaleur de ce point perdu dans l’espace qui l’attire tant.
Sur ce chemin qu’elle a emprunté maintes fois, les tourments persistent. Naé laisse son regard s’évader là où on l’a séparé de ses utopies. Elle affronte ses angoisses intérieures qui rongent son esprit en puisant l’énergie au loin. Mais cette fois ci, il est plus difficile de reprendre le dessus. La rage grandit. Elle ne veut pas de cette existence de débris cosmique et n’en veut plus. Partir ? Elle y songe pour la énième fois, en se remémorant ce rêve aux sensations si réelles qu’il en subsiste une lueur d’espoir. Pourquoi ce retenir alors et tourner inlassablement autour de ses désires ? Pour ces affreux cailloux qui gardent les foules auprès d’eux, en menaçant quiconque sur le point de rejoindre les Solaires afin de créditer toujours plus leurs choix passé ? Quelle menace ! Qu’est-ce qui peut bien être pire aux yeux de Naé qu’Oort ? Le triste sort de sa mère ? Ce serait pour elle une sorte de délivrance.

*** Ceinture de Kuiper ***

Plus déterminé que jamais et s’en y réfléchir à deux fois, Naé s’élance, prend de la vitesse, enfle de plus belle en s’alimentant de la matière qu’elle capture devant elle et plonge sans hésitation ni aucune crainte, en direction de Soleil. Quelques molécules d’eau s’hasardent à s’échapper par larmes, ce figeant instantanément en traînées de glace sous le froid et la vélocité de Naé. Elle ne prête guère attention à ces blocs de métaux plus loin qui pourraient ce douter de quelque chose et l’intercepter. Elle transperce diverses nébuleuses où gaz et poussières sifflent, hurlent, l’alertent en ce frictionnant contre ses multiples profils. Elle progresse rapidement puis entre dans la ceinture de Kuiper à la rencontre de ses amis Pluton et Charon, qui ballottent comme deux petites prune jumelle sur un fond vaguement étoilé.
[...]